"Nu" d'Harold Rhéaulme à l'Agora de la danse



Montréal, jeudi 18 mars 2010


"L'émotion qui danse". C'est la première phrase qui m'est venue, d'un bloc, évidente, face au spectacle d'Harold Rhéaulme et de ses quatre interprètes. Le chorégraphe voulait mettre à nu à la fois la fragilité et la force des sentiments amoureux, sans pour autant dénuder physiquement ses danseurs. Il y est parvenu. Simplement mais avec une sensibilité à fleur de peau. Toute la pièce durant deux hommes et deux femmes, deux couples, quatre individus se mêlent, se démêlent et s'entremêlent et n'en finissent pas de ne pas se quitter. Des duos émouvants où transparaissent, délicatement, quelques accents passionnés de tangos. L'arrogance en moins. Un solo marqué par le doute, celui de la soudaine solitude. Des quatuors où les danseurs ne font qu'un dans l'émotion partagée. Le tout traversé et porté par un mouvement fluide où prime toujours le toucher. Le toucher de l'autre. La danse de Rhéaume tangue constamment entre tendresse et déchirement. Mais un déchirement plus intérieur que physique. Car point de violence ou de gestes brusques ici. La vie des sentiments est suffisemment intense sans qu'il soit nécessaire d'en rajouter. L'émotion vécue et suscitée ne serait probablement pas complète sans la musique très belle de Mathieu Doyon et Katia Makdissi-Warren qui va droit au coeur et rencontre magnifiquement la danse.

(importé de mon ancien blog mouVoir créé en 2010, supprimé)

Solid Gold d'Ula Silke à Tangente

Montréal, vendredi 5 mars 2010


Tracer l'histoire de la danse hip hop sur le corps d'un danseur, en remontant jusqu'à ses origines dans la danse africaine voilà le défit qu'à relevé magistralement la chorégraphe Ula Sickle avec son interprète Donozord dans Solid Gold. Ce solo s'intégrait toujours dans la série idéodanse de Tangente. En danse (en arts) l'intention est une chose. L'incarner en est une autre. Or force est de constater qu'ici, rien ne s'est perdu en chemin. Au contraire. L'idée de la chorégraphe s'est comme épanouie au contact de l'énergie et de l'intelligence corporelle de son interprète. Dinozord, danseur contemporain d'origine congolaise porte en lui, comme tout danseur, une histoire corporelle faite de plusieurs couches superposée. Elle sont ici dévoilées tour à tour. Dès le début le solo nous assure qu'il sera puissant. Debout au milieu de la scène, nous faisant dos, le danseur respire. Sa respiration, amplifiée par un micro constituera, avec le bruit de ses pas eux aussi amplifiés et samplés, la seule source musicale de la pièce (1). Il respire donc, et progressivement son corps s'anime de petites secousses qui grandissent et grandissent, et deviennent mouvement, et danse. On reconnaît des figures tantôt déliées tantôt animales de la danse africaine. Puis des pas, des allures, des sourires que l'on a vus, un jour, dans des comédies musicales. Et puis ces mouvements robotiques, angoissants, où le corps humain se fait machine. On reconnaît aussi, dans ce voyage chorégraphique, la transformation opérée par la danse contemporaine qui semble rechercher dans les différents vocabulaires gestuels l'essence du mouvement. L'absence de musique en tant que telle n'est pas sans lien avec cette démarche. La musique colore une danse, la charge d'une "couleur locale". Elle a aussi pour effet de recouvrir le travail du corps, sa fatigue, sa dépense. Or ici, le seul son du souffle, des pas, un son surprésent, nous colle littéralement à l'effort du danseur. Et en nous ramenant ainsi sans détour possible au corps, la chorégraphie rend d'autant plus lisible le corps palimpseste de cet incroyable danseur tout en rendant hommage à la culture congolaise dont il est issu.

(1) d'après une idée originale de Yann Legay, concepteur du son de la pièce

(importé de mon ancien blog mouVoir créé en 2010, supprimé)