Les suites cruelles d'Hélène Blackburn

Montréal, le 18 février 2010 


"Et si pour se retrouver dans le plaisir, il fallait se perdre dans la douleur?". Telle est la question qui guidait la création des Suites cruelles d'Hélène Blackburn (2008) reprise à l'Agora de la Danse dans une version renouvelée.
Une bande de gazon noir sépare le public de l'espace scénique et donne le ton : l'irrésistible attirance de l'herbe fraîche ne se fera pas sans brûlure. Les chaussures à talons, figures dominantes, (pour ne pas dire dominatrices) de la pièce et quelquefois troquées contre leurs non moins tyranniques cousines, les pointes, nous rappellent -et surtout aux danseurs - qu'il faut souffrir pour être belle. Plaisir et douleur se partagent aussi la chorégraphie qui oscille entre les figures typiques et mythiques de la comédie musicale, du défilé de mode, des duos passionnés et la dislocation des gestes et des corps, poussés dans leurs retranchements. Et ceci est une qualité et non des moindres de la chorégraphe qui parvient à nourrir la technique néoclassique parfaitement assimilée et jamais démonstrative d'une énergie qui peut-être brute sans être brutale, forte - et très forte même - sans être violente. La musique de la compositrice Ana Sokolovic elle aussi oscille entre moments de pure poésie et de franche explosion. Les instruments sur scène - l'imposant piano à queue et la batterie (deux instruments, percussifs tiens donc), ainsi que les deux pianistes qui font partie intégrante de la chorégraphie et parfois se dédoublent en projections vidéos, ajoutent à la présence sonore et renforcent le rythme soutenu de la pièce. C'est là aussi un grand talent d'Hélène Blackburn qui ne laisse jamais le sens ralentir l'action. Les duos, trios, quatuors et mouvements de groupe s'enchaînent avec fluidité, évitant ainsi le piège des scènettes et forment une pièce d'où l'on ne décroche pas un seul instant, happés par la générosité des danseurs, là inconditionnellement.

(importé de mon ancien blog mouVoir, créé en 2010, terminé) 

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