Le 1e juin 2018, Bruxelles
Et si les hommes parvenaient à mieux nous faire comprendre la féminité? Et s'ils parvenaient à mieux nous faire ressentir la féminité? Ou carrément plus fort: et si les hommes réussissaient à mieux représenter voire incarner la féminité? C'est le pari fou mais complètement réussi qu'a relevé Thierry Smits, dans WAW (we are woman).
Et si les hommes parvenaient à mieux nous faire comprendre la féminité? Et s'ils parvenaient à mieux nous faire ressentir la féminité? Ou carrément plus fort: et si les hommes réussissaient à mieux représenter voire incarner la féminité? C'est le pari fou mais complètement réussi qu'a relevé Thierry Smits, dans WAW (we are woman).
Onze hommes en
pleine possession de leur force et de leur beauté virile font leur
entrée dans les vestiaires d'un match de foot. Incarnation stromboscopique d'une réalité sur-médiatisée qui associe mec,
équipe, gestes gras, cris rauques et ballon, et montre en passant
que les femmes ne sont pas les seules à être objectivées, ils vont
progressivement opérer la métamorphose qui doit les mener de Mars à
Vénus. Subrepticement, l'antre des Diables se transforme en douches
de fitness où les tapes dans le dos se font doucement plus
équivoques. Là où, dans un univers bien circonscrit et étiqueté,
des hommes ensemble semblait être synonyme de virilité polarisée
par un féminin absent et ailleurs, l'exclusivité masculine prend
rapidement, dans un contexte à peine différent, des contours plus ambigus où
émerge l('homo)sexualité et où s'amorce la transgression des
genres. Les gestes francs et directs s'amollissent. Les lignes
brisées se font courbes. Les maillots rouges sont troqués contre
des petites culottes. Avec en filigrane, peut-être, une question,
silencieuse: la polarité masculin-féminin est-elle incontournable?
Le yang ne peut-il résister à l'absence de yin?
Passée cette
première étape, formelle et somme toute superficielle de
féminisation, la métamorphose opère ensuite sur d'autres
terrains : psychologiques, physiologiques, sociologiques...
Par la panoplie
infinie et ô combien puissante des moyens de la danse, une danse
toujours extrêmement précise et ciselée chez Thierry Smith, ces
onze hommes continuent leur appropriation sans limite de ce qui
constitue les grands mythes du féminin, des plus clichés aux plus
mystérieux. Les larmes, l'hystérie, la tendresse, la sexualité
enfouie, le cycle, l'enfantement, le rite,
la sorcellerie,...
tout ce qui a pu faire peur aux hommes et a valu aux femmes d'être
brûlées, internées ou plus communément soumises, est ici finement
analysé; assimilé; incarné; poussé dans ses plus intimes et
extatiques retranchements au point même de faire disparaître la
question des genres et de nous propulser dans un réseau de forces
quasi cosmiques ou
métaphysiques.
Passé un certain cap, ces hommes ne sont plus des hommes qui tentent
de devenir femmes, mais l'incarnation démiurgique de la fusion des
deux pôles.
Ce qui aurait pu
n'être qu'une singerie est ici une véritable exploration, une
tentative éblouissante et cependant non sans humour de comprendre en profondeur depuis un point de vue d'homme (mais on l'oublie
presque), le féminin. Car si les poncifs des moules et des
casseroles sont bien là, ils servent de support à un imaginaire
bien plus complexe et fertile que les habituelles associations.
Ni idéalisation
béate de la femme, ni ridiculisation gratuite, la pièce est
peut-être moins une ode lucide et puissante au féminin qu'un
plaidoyer esthétique et symbolique pour la réconciliation des
genres.
A l'heure où les
comportements masculins sont stigmatisés par des femmes toujours aux
prises avec des revendications féministes, Thierry Smits fait une
magnifique pirouette qui pousse loin la réflexion et invite à la
tolérance.
Cathy De Plée
Cathy De Plée
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